Le quotidien comme scène du choix
Ce matin-là, la lumière traverse la grande cuisine claire de
l’EAM Les IV Seigneurs
.
Sur la table, un plateau, deux tasses, du sucre, une cuillère.
Une main hésite un instant, puis attrape le sachet de thé :
« Aujourd’hui, j’ai envie de changer. »
Ce geste anodin, ici, a valeur de symbole.
Choisir, c’est affirmer son existence.
Dans cet établissement pour adultes en situation de handicap,
chaque décision – du repas au vêtement, de la sortie au moment de repos –
devient un acte d’autonomie.
Les soixante-six résidents de
l’EAM Les IV Seigneurs
ne sont pas de simples "usagers" :
ils sont les acteurs principaux d’un scénario qu’ils écrivent jour après jour,
entourés d’une équipe attentive et bienveillante.
Cette philosophie, racontée avec justesse dans la vidéo « Ici, je choisis »,
prend vie à travers des regards, des gestes, des silences.
Ici, l’accompagnement médico-social s’efface pour laisser place à
l’apprentissage du pouvoir d’agir
.
Un lieu vivant, ancré sur les hauteurs de Montpellier
Situé au nord de Montpellier,
l’EAM Les IV Seigneurs
ressemble à un petit hameau tranquille.
Derrière ses façades sobres, on découvre des couloirs colorés, des dessins d’habitants,
des sourires.
Rien n’évoque un établissement médicalisé : tout a été pensé pour créer un cadre familier,
rassurant, presque domestique.
Les résidents présentent des handicaps variés, souvent multiples.
Certains se déplacent en fauteuil, d’autres utilisent des pictogrammes ou des tablettes vocales
pour communiquer.
Tous partagent un même horizon : vivre à leur rythme, dans un environnement
qui s’adapte à eux plutôt que l’inverse.
« L’autonomie, ce n’est pas être seul, c’est avoir le pouvoir d’agir dans sa propre vie »,
rappelle l’une des éducatrices.
Dans cet EAM, on ne fait pas « à la place de »,
on apprend à « faire avec ».
C’est toute la différence entre assistance et accompagnement,
entre dépendance et autodétermination.
Le planning du jour, une carte d’autonomie
Dans la salle commune, un grand tableau aimanté attire le regard.
Chaque résident y déplace son étiquette :
« Atelier cuisine », « Balade », « Temps calme ».
Derrière ces magnets colorés se cache un puissant outil d’émancipation.
Le choix du jour n’est pas imposé : il se construit dans la discussion,
la négociation, l’envie.
« Ce tableau, c’est notre manifeste, confie une psychologue.
Il matérialise la liberté : celle de participer, de dire non, de proposer. »
L’
autodétermination
se tisse dans ces micro-décisions quotidiennes,
souvent invisibles mais essentielles.
De la dépendance à la capacité d’agir
À l’heure du déjeuner, la même philosophie anime la cuisine collective.
Une résidente coupe les légumes pendant qu’un éducateur ajuste la planche à sa hauteur.
Un autre propose une aide, puis recule :
le geste doit venir d’elle.
Si le mouvement rate, on rit, on recommence.
L’erreur n’est plus une faute, c’est un apprentissage.
« L’autonomie sans sécurité, c’est de l’abandon ;
la sécurité sans autonomie, c’est de la tutelle »,
répète souvent l’équipe.
Entre ces deux extrêmes se joue l’équilibre fragile du quotidien,
celui d’un accompagnement respectueux, patient, profondément humain.
La chambre, un territoire de liberté
Dans les étages, chaque chambre raconte une histoire.
Ici, des posters de foot ; là, des guirlandes lumineuses ; ailleurs, un plaid doux,
une photo de famille.
Ce n’est pas un espace médicalisé, c’est un chez-soi.
« Quand je rentre ici, je ferme la porte. C’est ma maison », confie un résident.
Le respect de l’intimité est un pilier du projet d’établissement.
Les professionnels frappent avant d’entrer.
Cette reconnaissance du domicile change tout :
elle redéfinit le rapport au soin, elle fonde la confiance.
« L’intimité est la base de l’autonomie.
On ne peut pas décider pour soi si l’on n’a pas d’espace à soi »,
souligne une cadre socio-éducative.
Les professionnels, des passeurs discrets
Dans la vidéo « Ici, je choisis »,
on remarque la posture du personnel : des gestes mesurés,
des mots choisis, une présence légère.
Leur rôle n’est pas d’imposer mais de soutenir,
de laisser émerger l’initiative.
« On apprend à s’effacer, explique un accompagnant.
À attendre que la personne demande,
plutôt que de devancer. »
Cette façon d’agir exige une formation continue,
mais surtout une culture partagée.
Chaque semaine, les équipes se réunissent pour échanger sur leurs pratiques :
quand aider ? quand attendre ? comment équilibrer sécurité et liberté ?
Cette réflexion collective irrigue tout le fonctionnement de
l’EAM Les IV Seigneurs
.
Elle inscrit
l’autodétermination
au cœur du projet d’accompagnement,
non comme une méthode, mais comme une éthique.
Une éthique du « faire avec »
Ce principe, simple en apparence, change tout.
« Faire avec », c’est co-construire.
C’est accepter que la décision se discute,
que le rythme du résident prime sur celui de l’organisation.
C’est aussi une école d’humilité pour les professionnels.
À
l’EAM Les IV Seigneurs
,
on parle peu de « prise en charge » :
on préfère évoquer le soutien à la personne.
Le lien devient central,
la relation humaine prend le pas sur la logique de procédure.
On n’enseigne pas l’autonomie : on l’accompagne,
on la rend possible.
Le droit au risque, une citoyenneté affirmée
Accepter qu’une personne puisse faire une erreur,
c’est lui reconnaître sa pleine citoyenneté.
À
l’EAM Les IV Seigneurs
,
le « droit au risque » est une composante essentielle du parcours de vie.
Il ne s’agit pas de mettre en danger,
mais de permettre d’expérimenter,
d’essayer, de rater, de recommencer.
Cette approche, audacieuse et bienveillante,
fait du lieu un espace d’émancipation.
On y apprend à être autonome comme on apprend à marcher :
pas à pas, soutenu, encouragé, libre.
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